Fernand Schwarz

Le sanctuaire de Göbekli Tepe est le plus ancien temple de pierre répertorié dans le monde. Il date de la fin du Mésolithique, il y a environ 12000.

3Sa découverte par la mission allemande dirigée par l’archéologue Klaus Schmidt remet en question le paradigme selon lequel l’agriculture nous a permis de devenir sédentaires et développer les concepts religieux. C’est toute notre conception du passage du Mésolithique au Néolithique qui est mis en cause ainsi que la naissance des dieux.

Localisation

Göbekli Tepe est situé à la limite Nord du Croissant Fertile qui s’étendait de l’Irak jusqu’à l’Egypte, au sud-est de l’Anatolie, région de l’actuelle Turquie, à 15 km au nord-est de la ville de Sanliurfa (ou Urfa) qui était liée à l’Abraham biblique puisque certains prétendent que Urfa était la ville d’Ur, mentionnée dans la Bible.

foto 2Urfa est une oasis, ce qui pourrait expliquer pourquoi Göbekli Tepe a été construit à proximité. Une statue en grandeur nature en pierre calcaire qui a été trouvée à Urfa a été datée au carbone entre 10000 et 9000 av. J.C.,  ce qui en fait la plus ancienne statue en pierre connue jamais trouvée. Ses yeux sont en obsidienne.

Le site est une colline artificielle haute de 15 mètres pour un diamètre de 300 mètres, qui couvre environ 9 hectares. On n’a trouvé aucune construction résidentielle.
Cette colline est située sur le point culminant d’une montagne allongée. Le sommet de cette colline est un point d’observation qui domine la région : on peut y voir les monts Taurus et Karacadag au nord et à l’est, et, au sud, la vallée de Harran qui s’étend jusqu’en Syrie

Dans cette terre vivaient les ancêtres des premiers animaux domestiques, les moutons et la chèvre sauvage, et poussaient d’abondantes céréales sylvestres. C’est ici où l’on a domestiqué l’épeautre, le blé et l’orge qui au Néolithique furent diffusés, à travers le Moyen Orient, jusqu’en Europe.

Les fouilles

Le site fut l’objet de fouilles à partir de 1995. Klaus Schmidt dirigea le chantier archéologique depuis le début.

Son équipe a mis à jour quatre structures de pierres ovales avec un diamètre maximum de  30 m. et le plus petit de 10 m.
Les enceintes les plus anciennes sont appelée A et D et se trouvent dans le niveau III qui appartient au Néolithique précéramique A qui date de 9600-8800 av. J.C. et les deux derniers complexes du Néolithique précéramique B, entre 8800 et 8000 avant J.C. Les structures sont situées sur le versant sud de la colline, orientée  nord-sud avec l’entrée au sud, les piliers T centraux regardant vers le sud-est.

En dehors de la colline, on a trouvé sur le plateau occidental, une autre enceinte appelée E, travaillée dans la roche mais dont les éléments ont complètement disparu, de l’époque la plus ancienne de Göbekli Tepe. Sur le versant occidental du sommet de la colline on a découvert une autre enceinte circulaire en 2007, mais avec une orientation sud-ouest, qui est unique pour l’instant dans l’ensemble mais qui se retrouve dans le village de Nevali Cori (8400-8000 av.J.C.), à 50 kms de Göbekli Tepe.

6Les archéologues ont observé que les complexes furent enterrés successivement durant une période de 2000 ans produisant ainsi la colline artificielle, ce qui a permis l’extraordinaire état de conservation du site.

Le complexe le plus important est aussi le plus ancien.

Chaque structure est entourée par un mur de pierre brisé par intervalles par de larges piliers en forme de T. Au centre, se dressent deux énormes monolithes hauts jusqu’à 5,5m. d’un poids de 15 à 20 tonnes.

Autour des monolithes centraux se lève un mur de pierre et de mortier d’argile dans lequel sont insérés entre une dizaine et douzaine de blocs, toujours en T, mais plus petits : ils mesurent de 3 m à 5 m de haut et pèsent jusqu’à 10 T.
Grâce aux relevés géomagnétiques, on estime qu’au moins une quinzaine d’autres enceintes de structure identique restent à dégager, dont certaines probablement encore plus anciennes de 1000 à 2000 ans.

La carrière utilisée est dans la même colline. A l’aide de pioches de granite ils ont taillé les monolithes directement dans la roche, ensuite avec des leviers ils ont fait pivoter le rocher. Une fois soulevé, ils l’ont porté avec un mouvement de rame jusqu’en haut. Avec une cinquantaine d’hommes on pouvait tailler la pierre et la transporter. Les chercheurs pensent qu’au moins 500 personnes ont dû participer aux chantiers.

La disposition des piliers en forme de T suit des règles fixes. Ils apparaissent toujours dans des espaces circulaires qui entourent deux spécimens égaux qui se détachent par leur taille et leur réalisation soignées, ils sont isolés au centre du sanctuaire. Les nombreux piliers situés autour du couple central semblent délimiter l’espace sacré puisqu’ils sont reliés entre eux par des murs qui séparent l’intérieur de l’extérieur. On retrouve, appuyés contre les murs, des banquettes en pierre tout au long du périmètre.

Ces enceintes ne ressemblent à rien de connu aujourd’hui.

Göbekli Tepe est beaucoup plus  sophistiqué que Stonehenge et plus vieux de 6000 ans ! et de 7000 ans plus que les pyramides d’Egypte !

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Sans roues ni animaux de charge, ils ont réussi à construire quelque chose de monumental. La construction d’un tel site réclame une organisation complexe avec beaucoup de main d’oeuvre dans des travaux très distincts,  une organisation similaire à celle de la construction  des pyramides d’Egypte.

Le temple montre une maitrise des techniques de sculpture que personne ne croyait possible avant plusieurs milliers d’années. Comment ces hommes, qui ne connaissaient pas encore l’agriculture, ont-ils pu concevoir de planifier pareil site ? Les compétences requises devaient précéder dans le temps la construction matérielle du temple.

La symbolique des piliers en forme de T.

Les premiers espaces sacrés en pierre créés par l’homme n’étaient pas des espaces couverts par un toit mais la place centrale était occupée par un élément très récurrent : des piliers lithiques en forme de T, réalisés en pierre calcaire et placés dans un cercle qui n’était pas toujours circulaire mais qui avait des variantes ovales, polygonales ou carrées le diamètre majeur étant celui de l’orientation est-ouest.

13Le terme « pilier » s’applique ici dans le sens de « pilier sacré de l’ancienne Egypte », un groupe auquel appartiennent aussi les obélisques qui n’ont jamais servi de support à aucun éléments architectonique de soutien mais qui furent toujours des monuments indépendants.  Comme les obélisques les piliers en T n’apparaissent pas fonctionnellement comme des supports, au moins dans leur forme primaire.  Ils ont des tailles imposantes et monumentales.

L’élaboration, le transport et la pose d’un pilier semblent avoir été un composant important des cérémonies des rencontres, et des festivités : autrement dit le chemin pour atteindre la finalité.

Klaus Schmidt affirme : « Avec les piliers en forme de T l’homme créa, pour la première fois, des formes tridimensionnelles et cubiques à grande échelle (on en a trouvé jusqu’à aujourd’hui 200), leur surface est travaillée avec soin de manière orthogonale, droite et plate. L’effet obtenu donne l’impression d’une construction de piliers conformés par deux blocs séparés, posés l’un sur l’autre, mais cette perception est fausse. Les piliers furent toujours élaborés dans un seul bloc de pierre calcaire. Il s’agit de véritables monolithes d’un poids moyen d’entre 5 à 10 tonnes. De là la question de pourquoi s’impose cette forme particulière en T. Il s’agit d’une forme symbolique inconnue hors des paysages de la haute Mésopotamie. Seul les taulas des iles Baléares en Espagne possèdent des contours semblables à la forme de T de la Mésopotamie, bien qu’ils diffèrent dans un aspect important, car ils ne sont pas des monolithes mais en deux blocs»

 

8Les inscriptions des piliers T montrent qu’il ne s’agit pas de simples monolithes de pierre, mais une représentation anthropomorphe stylisée. La barre du T représente un visage humain de profil, puis le corps avec les bras pliés qui s’allongent pour atteindre sur le devant la hauteur de la ceinture, qui a une boucle en forme de H horizontal. Le personnage porte un pagne en peau de renard.

La « barre horizontale » du T symboliserait alors la tête. Il présente la tête d’une personne depuis une vue latérale. Le menton et l’occipitale sont proéminents en comparaison avec la ligne antérieure et postérieure du corps. « La silhouette présente un corps humain de profil. Dans la face ventrale de plusieurs piliers on retrouve deux bandes verticales, droites et parallèles, réunies toujours en forme de « V » au niveau de la poitrine de sorte qu’ils représentent une pièce de vêtement en forme de pèlerine enveloppée autour du cou et qui tombe des deux côtés du corps, indiquant un objet possédant une haute charge de pouvoir symbolique ». Il est vraisemblable que les « boutons lithiques » qu’on a retrouvés à Göbekli Tepe faisaient partie de ce type de vêtements.

Klaus Schmidt pense que « c’est le signe qu’ils ne sont pas de ce monde mais plutôt du monde spirituel, ils ne sont pas humains, ils ressemblent à des hommes mais ce ne sont pas des hommes, ils sont peut être les représentations divines les plus anciennes du monde. Ce serait le temple  le plus vieux du monde ».

Fotografía 9- GTOn ne peut pas reconnaître dans les piliers centraux s’ils sont de sexe différent. Klaus Schmidt pense, inspiré par Levy Strauss, que le plus probable est qu’ils représentent des jumeaux qui apparaissent souvent en tant que thème mythologique. « La représentation classique de la dualité homme/femme, doit être exclue après la récente découverte dans l’enceinte D, dont les personnages des deux piliers centraux portent une ceinture en forme de H et C, qu’on retrouve dans des figurines en argile de la même époque, qui sont toutes masculines ». On en déduit que ces piliers représentent pareillement des personnages masculins.  Ce qui renforce le symbolisme des jumeaux .

Sur certains piliers, on peut voir de nombreux animaux finement représentés (serpents, canards, grues, taureaux, renards, lions, sangliers, vaches, scorpions, fourmis). On relève aussi des symboles comme celui de la lettre « H », des croix, des demi lunes, des barres horizontales ou entremêlées, preuve selon Klaus Schmidt de l’existence d’une écriture symbolique qui exprimait leur vision mythologique dans une langue pictographique.

9Les statues gardiennes de piliers T

On trouve deux sortes de sculptures en haut relief dans les enceintes : celles qui sont intégrées dans les piliers T, et d’autres isolées semblant être des représentations de sanglier, de renard, de tatous ou d’ oies, des animaux non indigènes à la région.
Des statues de même type ont été retrouvées à Nevali Cori et Nahal Hemar.

Les sculptures retrouvées en haut relief dans un seul bloc dans un style très naturaliste représentent des léopards, des renards, des sangliers. Ces animaux semblent être des gardiens des piliers en forme de T. Un motif très important est celui de l’animal prédateur, gueule ouverte en posture menaçante avec la tête vers le bas, comme on peut l’observer dans le pilier 27 de l’enceinte C. Un autre type est celui du sanglier qui présente des mâchoires avec des immenses défenses et peut se retrouver au dessus du mur d’enceinte regardant vers l’intérieur.

Les représentations les plus naturalistes qu’on retrouve dans les statues, tantôt d’animaux ou d’êtres humains semblent représenter des membres de notre monde, puissants et importants mais inférieurs aux êtres représentés par les piliers T.

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Les piliers T semblent appartenir à l’autre monde, et pourraient avoir comme rôle d’être les gardiens de la sphère sacrée.

Toutes les images et représentations retrouvées à Göbekli Tepe sont masculines, qu’elles soient humaines ou animales, exception faite d’une gravure d’une femme nue, dans une posture qui pourrait être celle de l’accouchement ou de l’acte sexuel, retrouvée dans l’enceinte rectangulaire des piliers aux lions.

Il s’agit probablement de divinités stylisées, gardiennes du lieu, qui affirment par leur gigantisme et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité la distinction entre l’homme et l’animal par sa capacité à maitriser la nature. Jusqu’à présent les oeuvres laissées par les hommes de la préhistoire représentaient peu le genre humain ou alors en position égale, voir inférieure à celle des animaux.

Les ateliers de sculpture ayant créé ces statues seraient situés sur le plateau lui-même, des piliers non terminés ayant été trouvés in situ. Des cuvettes en forme de bol dans la roche argileuse ont été trouvées, technique peut-être déjà utilisée pour faire de la sculpture et du mortier argileux, dans l’Epipaléolithique.

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On y trouve aussi des formes phalliques et des motifs géométriques sculptés dans la roche, dont la datation est inconnue. Ils sont à rapprocher des cultures Sumérienne et Mésopotamienne, ainsi que des sites d’Asie mineure et d’Égypte de la même époque, comme Byblos, Nemrik, Helwan et Tell Aswad.

En 2008 on a retrouvé à Göbekli Tepe une statue d’un peu moins de 70 cm., qui représente un homme avec une barbe collier qui semble un ancêtre des statues sumériennes de la basse Mésopotamie. Le visage semble regarder légèrement vers le haut, quelque chose de plus puissant que lui même, ses mains devant son corps à la hauteur du nombril, et sans représentation génitale qui reste invisible.

Les temples sont nés avant l’agriculture

Lors des fouilles, on a trouvé un grand nombre d’ossements d’animaux : gazelles, sangliers, cerfs, moutons. La plupart des os viennent de parties comestibles, donc de restes des repas tous d’animaux sauvages. Les hommes de Göbekli Tepe étaient des chasseurs cueilleurs, une société préagricole. Pendant longtemps on a cru que des sites comme Göbekli Tepe ne pouvaient exister que dans des larges communautés agricoles, comme les Egyptiens quelques milliers d’années plus tard.

Dans la zone du Croissant Fertile Turque les hommes ce sont sédentarisés au moins un millénaire avant la construction de Göbekli Tepe et ce, pas grâce à l’agriculture. Ils avaient probablement compris qu’il était plus profitable de transmettre ses connaissances à un large groupe sédentaire qu’ à un petit groupe nomade .

La colline n’a pas de source d’eau potable, les hommes devaient apporter de quoi manger et boire sur le site. Ce qui signifie qu’ils ne pouvaient pas rester plusieurs jour d’affilé. Alors, où vivaient-ils ?

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Selon Bahattin Celik (Université de Harran), à Urfa, on a trouvé des dépôts de silex d’une collectivité de 11000 ans. Au musée d’Urfa on trouve une statue d’homme de 11000 ans avec des incrustations de pierre dans les yeux et une posture qui rappelle celle des monolithes de Göbekli Tepe. Son visage est très bien défini, contrairement au monolithe. Des statues similaires ont été trouvées à Göbekli Tepe.

De toute évidence, les bâtisseurs de Göbekli Tepe savaient sculpter les visages avec des traits bien définis, mais ils auraient choisi volontairement de ne pas en sculpter sur les monolithes du temple. Ils voulaient certainement représenter la présence d’un être surnaturel dont les hommes ne peuvent pas percevoir le visage car il est dans une dimension autre, invisible.

On avait toujours cru que c’était la découverte de l’agriculture qui avait permis de réunir des groupes de chasseurs isolés en communautés agricoles. Mais, a présent, il semblerait que la grande révolution culturelle se soit produite avant l’agriculture. Et c’est l’avènement d’une nouvelle religion qui est à la base de cette révolution culturelle, dans laquelle les êtres humains se considèrent d’un rang supérieur aux animaux. Göbekli Tepe suggère que c’est ce désir de spiritualité qui a  engendré la civilisation.

L’archéologue Gordon Childe élabora dans la première moitié du XXè siècle le concept de la « révolution» urbaine du Néolithique qui s’initia au Croissant Fertile et considéra comme un fait que l’agriculture libéra l’homme de la fatigue et de la faim, mais cette position semble aujourd’hui trop simpliste. Le paradigme qu’il propose peut se résumer de la manière suivante : agriculture-sédentarisation-religion-temple.

En réalité, sous des conditions climatiques favorables comme c’était le cas dans cette région à cette époque-là, la condition requise pour la chasse et la cueillette était en grande mesure moindre que celle de l’élevage et de la culture des céréales. Lorsque les recours naturels manquaient, les peuplades de l’époque se déplaçaient dans d’autres lieux. Il est clair enfin que la culture qui se développa au Néolithique, une fois domestiqués les plantes et les animaux et acquis de nouvelles habilités, fut davantage efficiente. Mais rien ne pressait les chasseurs-cueilleurs à devenir fermiers, puisque leur subsistance paraissait acquise avec les moindres efforts.

Le nouveau paradigme : Religion-sédentarisation-temple-agriculture.

Puisque la distance temporelle entre la parution des structures sacrées et l’invention postérieure de production alimentaire n’est pas trop marquée (à peu près 1 ou 2 millénaires), il s’impose l’hypothèse que ces deux phénomènes sont inter-reliés.

Il existait dans la région un réseau assez dense de communautés et villages qui échangeaient des produits, des informations, des individus. Dans ce sens, explique Klaus Schmidt, des réunions cycliques furent nécessaires pour cette société composée de groupes réduits dans lesquelles on échangeait des objets, que les petits groupes ne pouvaient pas échanger ou produire par leur propre effort.
De cette manière on peut comprendre l’importance essentielle de certains sites qui dans leur fonction de lieux centraux, permettaient la communication entre ces sociétés prénéolithiques.

Mais ces endroits n’étaient pas des cités, puisqu’elles n’existaient pas encore, il s’agit de sanctuaires qui étaient les points de cristallisation de ces demandes sociales et économiques des hommes de l’âge de pierre. Il s’agit de lieux de réunion saisonniers (aggregation sites). Des chasseurs et cueilleurs dispersés dans toute l’aire réalisaient leur réunions et mettaient en marche un système de communication à différents niveaux. Göbekli-Tepe était un de ces aggregation sites, où prédominait la dimension du sacré.  La haute importance des festins dans le processus de la néolithisation du Proche Orient fut reconnue récemment par l’investigation archéologique (Dietler et Heyden).

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Il paraît logique que les réunions qui servaient d’échange aient été accompagnées de grandes festivités et les ossement d’animaux retrouvés dans les sites le suggèrent. On a retrouvé sur place des os brisés et vidés de leur moelle. Il s’agit sans doute de résidus de repas. Les plus nombreux sont ceux des gazelles, d’aurochs, mais aussi d’onagres, sangliers et cerfs.

« Quand les gens se rassemblaient ici pour festoyer il fallait beaucoup de nourriture et pour simplifier peut être ce besoin constant de nourriture, les hommes furent amenés à vouloir maitriser la nature et passer d’une économie de prédation à une économie de production en adoptant l’agriculture et l’élevage ».

Un festin bien réussi ne peut pas s’imaginer sans sa dimension culinaire : l’invention de la domestication peut être étroitement liée à ce type d’activités et à la nécessité de se pourvoir en nourriture mais aussi en boisson. Ainsi les premières cultures de céréales pourraient être plutôt en rapport avec la « bière » qu’avec le pain.

Ce type de réunion provoquait l’assistance d’un grand nombre de personnes, ce qui n’existait pas aux époques antérieures. La présence massive d’hommes dans ces fêtes permettait aussi de se lancer dans de grands exploits collectifs, tels que la construction même de sanctuaires. Les premiers sanctuaires qui ne sont pas naturels (grottes, forêts, sources….) apparaissent provoquant de grandes innovations et des prises de conscience transcendantales.

Le paradigme proposé par Childe sur l’origine de la néolithisation qu’on peut résumer ainsi : agriculture, sédentarisation, religion, temple, s’inverse suite à ces nouvelles découvertes en religion-sédentarisation-temple-agriculture.

Au début des années 1990, le préhistorien Jacques Cauvin avança la thèse que le développement de la religiosité a poussé les hommes à se regrouper pour vivre et célébrer les rites en société. Göbekli pourrait lui donner raison.
Ce site de Göbekli Tepe montre notamment que l’humanité disposait, à une époque pré-agricole, de moyens suffisants pour mettre en place un lieu de culte imposant, idée qui contredit l’hypothèse que l’agriculture aurait précédé toute érection de constructions importantes.

L’archéologue de l’Université de Standfort, Iann Hodder rappelle : « cela montre que les changements socio-culturels viennent en premier, l’agriculteur plus tard ».

BIBLIOGRAPHIE

Sie bauten die ersten Tempel, das rätselhafte Heilingtum der Steinzeitjäger, Klaus Schmidt,    Verlag C.H. Beck oHG, München 2006

Göbekli Tepe – The Stone Age Sanctuaires. New results of ongoing excavations with a special focus on sculptures and high reliefs, Klaus Schmidt, in Documenta Praehistorica XXXVII, 2010

Göbekli Tepe : santuarios de la edad de piedra en la Alta Mesopotamia, Klaus Schmidt, in Boletin de Arqueologia PUCP, N° 11, 2007, 263-288

Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique. Jacques Cauvin, CNRS Editions, Paris, 1997
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